Mobilisation dans vingt pays, ce samedi, contre le franc CFA
Aussi
bien chez les experts que chez les chef d'Etat africains et jusqu'au au
sein de la diaspora, la contestation s'organise contre une monnaie jugée
« colonialiste ».
La fronde contre le franc CFA prend en effet une grande ampleur au sein des opinions publiques africaines, comme le montre la journée de sensibilisation qui a été décrétée ce samedi dans une vingtaine de payx. Ce n’est pas la première manifestation de ce genre.
Amorce d’un front anti CFA
Déja le 26 décembre dernier, ils étaient nombreux à répondre à l’appel de l’activiste pan-africaniste Kemi Seba et de l’ONG Urgence Pan-africaniste pour dénoncer ce qu’ils jugent être un « reliquat du colonialisme ». Dans une grande salle d’un bâtiment désaffecté au pied de la Tour d’Asnières se tenait une des onze conférences du Front anti CFA. Dans une salle comble, plusieurs centaines de personnes principalement des jeunes Africains se sont massés pour assister à l’évènement.
En cette fin d’année, des conférences se sont tenues dans onze pays en Afrique, en Europe ainsi qu’en Haïti pour « sonner le glas » du franc CFA vieux de soixante dix ans. Le 26 décembre 1945 en effet, marque la création de cette monnaie au sein des Colonies Françaises d’Afrique, ou CFA, quelques années avant les « indépendances », qui repose sur quatre grands principes:La libre convertibilité des monnaies africaines garantie par le Trésor français, la fixité des parités, la centralisation des réserves de change, et la liberté des transferts dans le cadre de quotas définis par l’autorité monétaire fraçaises.
« Nazisme monétaire »
Or le Franc CFA est de plus en plus contesté en Afrique et au sein de la diaspora africaine; une « monnaie de singe » affirme un responsable d’Urgence Pan-africaniste. La contestation ne date pas d’aujourd’hui. Dans son livre « le Franc CFA et l’Euro contre l’Afrique » en 1999, Nicolas Agbohou assimilait cette monnaie arrimée au Franc puis à l’Euro avec des parité fixes, au « nazisme monétaire ». Faisant le parallèle avec la seconde guerre mondiale, il cherche à démontrer que la France n’aurait fait que reprendre à son compte les méthodes de dévaluation monétaire des nazis sous l’Occupation (1941-1945); « provoquant ainsi l’enrichissement automatique de l’Allemagne et l’appauvrissement automatique de la France » comme il le souligne dans son livre. Lors de la conférence, il donna comme exemple la dévaluation du CFA par la France en 1994; citant Edouard Balladur: « c’était une bonne chose pour les Africains ! La question monétaire n’est pas un sujet technique, mais politique touchant à la souveraineté et à l’indépendance des pays. »
Cet économiste ivoirien engagé rappela également sous des tonnerres d’applaudissements, les grands leaders africains pan-africanistes éliminés par la France, car ayant refusé de se soumettre à cette logique « colonialiste ». Ainsi les cas du guinéen Sekou Touré, le malien Modibo Keita, le togolais Sylvius Olympio, le Guide libyen déchu Mouammar al Gaddafi ou encore l’ancien chef d’Etat ivoirien Laurent Gbagbo ont été évoqués.
La thèse farouchement anti colonialiste de Nicolas Agbohou révèle un certain nombre d’inconvénients dans le fonctionnement de la zone franc soulevés par d’autres économistes comme l’ancien ministre togolais de la prospective Kako Nubukpo. Ce dernier ayant souligné dès 2015 à l’occasion des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence (du 3 au 5 juillet) que « le Franc CFA freine le développement de l’Afrique » dans un entretien avec le journal Le Monde Afrique. Il jugeait déjà urgent de revoir la parité fixe entre le Franc CFA et l’euro. On peut également citer le Bissau Guinéen Carlos Lopes ayant déclaré que le système monétaire de la zone franc était « désuet ».
Priorité au développement
Selon l’ancien responsable d’une banque centrale africaine à Dakar, la monnaie doit être au service de la croissance et du développement. « Pour cela il faut des crédits, affirme-t-il, Or le ratio a l’économie sur PIB dans les pays de la zone franc est de 23% quand il est de plus de 100% dans la zone euro. Si bien qu’il est quasiment impossible pour nos pays de rattraper les économies émergentes si le Franc CFA reste arrimé à l’Euro ».
On peut tout de même nuancer cette thèse. En effet le Franc ne présente pas que des inconvénients pour les Africains. Le fait que cette monnaie soit arrimée à l’Euro avec une partie fixe garantie une relative stabilité des prix et limite le risque d’inflation en cas de choc économique. Le Franc CFA comme gage de crédibilité et de stabilité économique est le principal argument de ceux qui veulent maintenir la zone comme le président sénégalais Macky Sall ou le gouverneur de la BCEAO Tiémoko Meliet Koné.
En revanche, il est vrai qu’elle porte atteinte à la souveraineté des 15 pays de la zone. En effet, ces derniers n’ont aucun contrôle sur la production de la masse monétaire en circulation et sont obligés de déposer 50% de leurs réserves de change sur les compte d’opération du Trésor français. Les économistes soutenant cette thèse envisagent de plus en plus la sortie de la zone franc.
Projets alternatifs
Nicolas Agbohou depuis 1999, préconise la création d’une monnaie unique africaine (M.U.A.) comme alternative au Franc. Dans son livre, il y consacre toute la deuxième partie de sa réflexion: « Pour une monnaie africaine et la coopération Sud-Sud ». Ce projet alternatif serait justifié pour plusieurs raisons d’ordre psychologique, politique et économique. Par ailleurs, a l’issu de la mobilisation internationale du front anti CFA, une feuille de route condensée de toutes les propositions formulées lors des différentes conférences ont été adressés aux chefs d’Etat africains de la zone Franc ainsi qu’au gouvernement français. Il s’agit de leur montrer la voie à suivre pour sortir du CFA.
Cette approche souverainiste de la question monétaire est partagée en partie par Kako Nukpo, Demba Moussa Dembelé et Martial Ze Belinga dans leur ouvrage collectif « Sortir l’Afrique de la servitude monétaire. A qui profit le franc CFA … » paru en Novembre 2016. Plus nuancé sur cette question que Nicolas Agbohou, le premier affirme dès 2015 qu’il faut envisager des régimes de change alternatifs un peu plus flexibles pour financer l’émergence tout en dépassionnant les débats. Cette approche est également partagée par l’ancien responsable d’une banque centrale africaine qui estime légitime le débat sur la souveraineté monétaire des 15 pays de la zone franc. Et pourtant, cette question fondamentale est passée sous silence ou du moins très peu évoquée par le gouvernement français.
Question tabou
Le 30 septembre 2016, devant un parterre de journalistes au ministère français de l’économie et des finances (Bercy), le ministre socialiste de l’économie Michel Sapin ne s’attendait pas au tournure qu’allait prendre ce face à face avec les médias, selon un article de Jeune Afrique daté du 9 novembre 2016. En effet le Franc CFA a été vivement critiqué lors de la séance journalistique venant clore la traditionnelle réunion que tiennent le ministre français de l’économie, les gouverneurs de banques centrales et ses homologue africains de la zone franc en amont des assemblées générales annuelles du FMI et de la Banque Mondiale.
Le gouvernement français pourrait bien chercher à esquiver le débat touchant à l’indépendance et à la souveraineté de quinze pays de la zone. D’autant plus que Kémi Seba et l’ONG Urgence panafricaniste ont récemment brandi la menace du boycott des produits français. « L’impérialisme ne connait que le rapport de force » clame un responsable de l’ONG lors de la conférence.
Le Franc CFA est actuellement utilisée par quinze pays africains: le Bénin, le Burkina, la Cote d’Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Togo, le Cameroun, la République Centre-Africaine (RCA), la République du Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, le Tchad et la République Islamique des Commores.
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